Violences intrafamiliales : à l’écoute des associations

Les associations de lutte contre les violences intrafamiliales étaient réunies sous l’égide d’Isabelle Champmoreau, mercredi 3 août.

Dans un contexte ébranlé par de récents féminicides, Isabelle Champmoreau, vice-présidente du gouvernement chargée des sujets inhérents à la famille, à l’égalité des genres et à la lutte contre les violences conjugales, a réuni les associations concernées pour un temps d’échange, mercredi 3 août, à Nouméa.

La réunion de ce mercredi, prévue de longue date, devait avant tout porter sur la préparation de la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes du 25 novembre prochain sur la thématique des 1000 premiers jours. La triste actualité a rappelé combien la lutte contre les violences faites aux femmes est plus que jamais une problématique à prendre à bras le corps. La séance a débuté par une minute de silence en mémoire des victimes des récents féminicides.

Accentuer les actions de prévention

Isabelle Champmoreau a ensuite laissé la parole aux représentants des structures présentes, afin que chacun puisse partager son quotidien, exprimer ses besoins ou ses difficultés sur le terrain. Cette démarche s’inscrit dans l'approche globale du Grenelle contre les violences conjugales.

Le tour de table a permis aux associations d’alerter sur la problématique commune du manque préoccupant de budget qui met à mal leur fonctionnement. Dominique Solia, coordinatrice par intérim de SOS écoute et présidente de Solidarité SIDA-NC l’a souligné : « Arrêter une association, c’est arrêter les actions qui vont avec ». « On manque de moyens pour intervenir dans les collèges et les lycées. Cette année on n’a pas eu de subventions pour mettre en place nos ateliers de sensibilisation ». Aujourd’hui on considère qu’un élève de l’enseignement secondaire a seulement bénéficié d’une à deux séances, dans le meilleur des cas, durant toute sa scolarité. « C’est trop peu » a affirmé Dominique Solia, d’autant que l’éducation à la santé est inscrite dans le projet éducatif de la Nouvelle-Calédonie comme un enjeu pour responsabiliser les jeunes dans leurs comportements.

Un tour de table pour se présenter et faire part de ses expériences de terrain.
Un tour de table pour se présenter et faire part de ses expériences de terrain.

 

Des budgets à sanctuariser

Les budgets des associations ont nettement baissé, - 53 % en 2020, puis - 16 % supplémentaires en 2021 pour Solidarité SIDA-NC. D’autres attendent encore leurs subventions pour l’année 2022. « Elles ont été inscrites au budget supplémentaire », a indiqué Isabelle Champmoreau qui a affirmé que « l’objectif de cette réunion est aussi de porter les problématiques évoquées par les associations au sein du gouvernement collégial ». La sanctuarisation des subventions allouées aux associations, qui compte parmi les engagements du Grenelle des violences en 2019, a notamment été évoquée. Les structures souhaitent aller plus loin avec la mise en place de conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens. Pour Dominique Solia, « ça permettrait d’être tranquille pour trois ou cinq ans et de construire des projets qui ont du sens »

Laure Régnauld est la directrice du foyer Béthanie qui accueille et accompagne les femmes et les enfants victimes de violences ou en grande difficulté. Aujourd’hui, elle craint pour le fonctionnement de l’association qui héberge jusqu’à 90 personnes au sein de ses deux structures et recense douze salariés. En cause, un budget amputé de 20 % cette année.

Dans un contexte financier tendu, les associations, d’une voix unanime, ont attiré l’attention sur la nécessaire coordination de leurs structures, afin d’être plus efficaces et complémentaires dans leurs actions. 

Les enfants, victimes collatérales 

Depuis le premier Grenelle des violences en 2019, le dossier des violences intrafamiliales a été déclaré grande cause 2019-2024 en Nouvelle-Calédonie. Des mesures concrètes de sensibilisation, de prise en charge ou d’accompagnement des victimes ont été mises en place, telles que le dispositif d'accueil des victimes au médipôle (DAV), les formations de gendarmes et de policiers pour les dépôts de plainte, le téléphone grave danger, etc. 

Les associations ont néanmoins tiré la sonnette d’alarme au vu de situations de plus en plus préoccupantes. « Nos jeunes vont moins bien », a ainsi déclaré la présidente de Solidarité SIDA-NC. Même constat du côté de Laure Régnauld qui observe un rajeunissement de son public ainsi qu’une « violence grandissante, même parmi les victimes, voire envers leurs propres enfants ». D’où l’intérêt de poursuivre des actions de sensibilisation. Pour la vice-présidente du gouvernement, « la prévention n’est pas un vain mot. Il faut absolument maintenir les interventions extérieures dans les établissements du second degré ».

 

 Préparation de la journée du 25 novembre
La jeunesse sera au cœur de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, qu’Isabelle Champmoreau a proposé d’organiser autour du thème « Enfance et violence », en s’appuyant sur le programme des 1000 premiers jours de vie, concept développé par l’OMS. « On parle souvent des violences du côté des adultes, de l'auteur ou de la victime, mais pas assez des enfants témoins ou victimes de violences et des conséquences sur leur développement », a expliqué la vice-présidente. Les deux premières années de vie sont à ce titre considérées comme une « période particulièrement sensible pour le développement et la sécurisation de l’enfant, qui contient les prémisses de la santé et du bien-être de l’individu tout au long de la vie ». (Rapport des 1000 premiers  jours du Ministère de la santé et des solidarités, 2020).

 Le dispositif d’accueil de SOS écoute

SOS écoute a depuis la fin de l’année 2020, élargit son champs d’actions. Elle a mis en place un dispositif d’accueil d’urgence des victimes de violences. En 2021, 106 personnes ont ainsi pu être mises en sécurité, et à la moitié de l’année 2022, déjà plus de 115 personnes ont bénéficié du dispositif. « Signe qu’il est de plus en plus connu », a précisé Dominique Solia, coordinatrice de l’association. Elle propose des lieux d’hébergement temporaires, familles bénévoles ou refuges, identifiés en relation avec les aires coutumières concernées. L’accueil dure jusqu’à cinq jours, avant que les services sociaux prennent le relai. « C’est aussi un dispositif citoyen car les familles d’accueil sont composées de personnes qui ont voulu s’impliquer en mettant à disposition leur lieu de vie ».