Cécile, victime de violences conjugales

Violences au sein du couple

Je suis restée 8 ans avec lui et les violences ont existé dès le début de notre vie commune. C’était plus ou moins violent, c’était beaucoup de chantage, nos rapports étaient malsains. Il buvait.
Au bout de 3, 4 mois, ça a commencé à se dégrader, il a commencé à me maltraiter, puis à m’obliger à faire ce qu’il voulait. Il voulait absolument avoir des relations sexuelles même si moi je ne voulais pas, il s’est mis à me violer.

  • Comment ont commencé les violences ? Quelles étaient-elles ?

Ça a commencé par des remarques : toute la litanie des violences psychologiques y était : je n’étais à la hauteur de rien, il m’était supérieur en tout. Et puis très vite ça a été la gifle puis tirer les cheveux, donner des coups de pieds.
Au départ je me défendais. On est d’abord restés ensemble deux ans et je suis partie 6 mois parce que je n’en pouvais plus et quand je suis revenue, j’ai supporté ça pendant trois, quatre ans et je n’ai pas eu le courage de partir, je ne savais pas comment faire pour m’en sortir, toute seule c’était impossible.
Mes proches étaient au courant mais il m’a coupé de toutes mes connaissances. La première fois qu’il m’a donné une gifle, j’en ai parlé à ma sœur et elle l’a appelé. Ils se sont disputés et à partir de ce moment-là il a fait en sorte de me couper d’elle.
Il a commencé à me violer. Moi, je ne savais pas à qui parler, et j’avais peur.
Les violences étaient de pire en pire jusqu’au jour où il m’a donné un coup de poing en plein visage. Je me suis retrouvée complètement défigurée.
Plus tard, il m’a redonné un coup. J’ai eu un traumatisme crânien, j’ai été hospitalisée pendant 15 jours
Puis un soir, en février dernier, il est venu me trouver tandis que je regardais la télé et il m’a dit « on va baiser ». Il avait bu. Je lui ai dit que je ne voulais pas. Il est allé chercher un couteau, il m’a blessé au cou, je suis sortie par l’escalier pour appeler la police. Ils l’ont pris en flagrant délit au moment où il allait me donner un autre coup.
Les policiers m’ont prise en charge, ça a duré toute la nuit et le lendemain ils m’ont déposée à la maison très tôt. J’étais vraiment très mal, je me disais que ce n’était même pas la peine de finir la journée, je me suis dit « je vais me suicider » et je ne sais pas pourquoi mais d’un seul coup le 3919 m’est revenu en tête, j’avais dû en entendre parler à la télé. J’ai appelé et ça m’a sauvé la vie.

  • Comment envisagiez-vous l’avenir quand vous subissiez ces violences ?

Il n’y avait pas d’avenir, j’ai fait deux tentatives de suicide, c’était ancré en moi que je voulais disparaître, je ne voyais vraiment pas comment je pouvais me sortir de ce marasme. J’étais vraiment très mal, j’étais sous médicaments, je ne réalisais même plus ce qui m’arrivait, c’était épouvantable. Il me dénigrait en permanence, insultait énormément ma famille, mes parents avec des mots extrêmement violents.
C’était vraiment très dur et arrivé à un certain stade, on n’ose plus parler à ceux qu’on aime parce qu’on a peur. Et ça, on ne s’en défait pas, alors on subit.

  • Quel accueil avez-vous reçu lors de votre appel au 3919 ?

Au début, je n’arrivais pas à parler, je pleurais, mais l’écoutante restait en ligne, me posait des questions. Elle m’a parlé d’une telle façon que j’ai réussi à lui parler un petit peu. Puis quand j’ai commencé, je ne pouvais plus m’arrêter.
Elle m’a déculpabilisée. Je culpabilisais parce que quand votre conjoint en arrive à se comporter de cette façon, on se dit « c’est moi qui ne suis pas capable, les autres y arrivent. C’est moi qui ne suis pas à la hauteur », il m’avait tellement dénigrée...
A chaque fois que je donnais un argument à l’écoutante, elle développait, elle donnait une description dans laquelle je retrouvais tous les travers de mon conjoint.
Le dialogue qu’elle a mené a fait que j’ai pu m’ouvrir à elle.
Je suis restée avec elle une heure et demie. Après cet appel, je n’étais plus la même personne. Je n’avais pas retrouvé 100% confiance en moi, mais quelqu’un me comprenait sans me juger. Grâce à elle, j’ai vu les choses en face, je me suis dit qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout. Elle m’a redonné confiance, donner la force de maintenir la plainte.
Et elle m’a sortie de cet état où c’était soit la mort, soit je restais avec lui. Elle est arrivée à me faire comprendre que ce n’était pas comme ça qu’il fallait que je prenne les choses, que j’avais une vie à vivre et que c’était lui le coupable, pas moi, qu’il était coupable et devait être condamné. On met un moment à comprendre qu’on est victime.

  • Quel soutien avez-vous reçu ? Quelles solutions vous ont été proposées ?

Le premier appel avait suffi. L’écoutante m’a donné le numéro de l’association l’Escale. Deux jours après, on m’y a reçu. On m’a proposé un suivi pour que je puisse sortir de mon isolement, m’orienter. J’ai bénéficié d’un soutien moral important et d’un appui dans les démarches juridiques avec une avocate que j’ai contactée.
Elles m’ont aidée à trouver un appartement également mais avant que j’emménage, un samedi matin, il s’est présenté à la porte, il était sorti un mois plus tôt que prévu. J’ai appelé tout de suite mon avocate qui a contacté l’association pour que je sois mise dans un hébergement d’urgence, avant d’avoir quinze jours plus tard l’appartement que j’occupe aujourd’hui et dans lequel je me sens en sécurité.

  • La parole est très importante pour le 3919, qu’est ce que le fait de parler a changé pour vous ?

Mettre des mots sur ce qu’on a vécu, c’est pointer du doigt nos défaillances, les exprimer. Et voir qu’elles sont comprises alors qu’on pense qu’on est nulle, à coté de la plaque.
Tandis que je parlais, l’écoutante comprenait, me rassurait, elle ne m’a pas laissé dans le vide. Après avoir raccroché, j’étais sûre d’avoir une écoute, un suivi, je savais que je n’étais plus seule. J’avais encore peur mais j’étais rassurée de savoir que je pouvais téléphoner à n’importe quel moment à quelqu’un qui pouvait m’aider. On se rend compte qu’il y toujours une réponse. Progressivement l’horizon s’éclaircit.

  • Comment qualifieriez-vous le rôle que les écoutantes du 3919 ont joué pour vous ? En quoi vous ont-elles aidée ?

Elles m’ont sauvé la vie, j’ai ressenti cette aide tellement fort que j’ai rappelé deux jours plus tard pour leur dire que la femme qui m’avait écoutée et parlé m’avait sauvé la vie. Et aujourd’hui, je veux le dire aux femmes parce que beaucoup de femmes ont besoin d’aide, besoin de ce numéro. Il faut que les femmes n’aient aucune peur d’appeler, de recourir aux associations. Au départ on a peur d’appeler mais la parole est tellement importante, déculpabilisante, restructurante… alors je voudrais dire aux femmes : « téléphonez au 3919, il y a des association qui peuvent vous donner des chemins à suivre ».
Il faut que les femmes fassent ce pas. Il est très dur mais ensuite on a toujours quelqu’un à coté de soi et je voudrais leur dire que même si on n y croit pas au début, on peut s’en sortir.

  • Cet appel au 3919 a-t-il été à l’origine des démarches que vous avez entreprises par la suite ? Quelles sont-elles ?

Totalement.
Le lendemain du dépôt de plainte, j’étais tellement mal que je me demandais si je n’allais pas la retirer, retourner à la maison, continuer à subir. On a l’impression que c’est sa vie, son destin, qu’on est bonne qu’à ça parce qu’on n’a plus d’estime de soi. On est dans une situation où on n’a plus de repères, on est meurtrie physiquement, psychologiquement. Alors quand on vous dit « vous valez le coup », « il y a des structures pour vous recevoir », on y croit à nouveau. Ce mécanisme que l’écoutante enclenche fait qu’on se sent plus solide.
Mais j’ai gardé ma plainte et j’ai tenu bon lors la confrontation avec mon conjoint, grâce à elle, parce que je savais qu’il y avait des gens derrière moi.

  • Votre conjoint a été arrêté et emprisonné. Est ce que cela vous a aidé à vous en sortir, à aller mieux ?

L’avocate m’a aidée lors de la comparution immédiate, j’étais très mal, mais elle était à l’écoute, mettait ma parole au-dessus de celle de mon conjoint et ça vous retape, on se dit « pourquoi j’ai vécu tout ça sans rien dire ? ». Ces gens qui vous aide jouent le rôle de tuteur : le 3919, l’Escale, l’avocate, le procureur, le juge... J’étais un arbre qui s’écroulait, ils ont été les tuteurs qui l’ont remis droit. Toutes ces personnes qui se succèdent tissent une toile autour de vous et vous pouvez repartir.
Et quand le juge prononce le jugement, ce n’est plus vous la coupable, c’est lui, on se reconstruit, on est victime donc on est quelque chose. La société reconnaît qu’il a fauté et que j’ai souffert.

  • Quelle est votre situation aujourd’hui ?

Je suis autonome, je vais bien même si j’ai toujours besoin de soutien psychologique par moment. C’est pourquoi je me rends toujours à l’Escale. Même si à un moment donné ça va moins bien, je parle et je repars.